Chorégraphie : Abdoulaye Trésor Konaté
Interprètes : Jade Fehlmann, Joël Osafo Brown, Maryem Dogui, Lory Laurac, Serge Arthur Dodo
Musiciens : Yann Cléry, Thibault Cohade, Delphine Langhoff
Costumes : Julie Ancel
L'instant, puis l'instant d'après, donne matière au temps. Deux mesures.
Le temps comme mesure d'une répétition dans l'espace à l'instar de celle que Maurice Ravel a engagée avec son Boléro, est un repère premier,- et tout part de là.
Voici qu'une berceuse de notre enfance à la façon dont une mère africaine sait la répéter de manière monocorde, sera le temps de Bolero ? [NØTRE BØRØEL] - sur le même temps d'une progression instaurée par Ravel mais avec un ton presque imperceptiblement différent, que nous désignerons comme « décalé ».
Il est parfaitement possible de l'entendre autrement lorsque j'écoute la version en Fon (Bénin) de la chanteuse africaine Angélique Kidjo, ou encore la danse du Boloye (*) [danse des hommes panthères] exécutée par les initiés chez les Sénoufo.
C'est sur ce ton « décalé », revisitant la mélodie originale qui s'enroule inlassablement sur elle-même, que nous entendons faire vivre le corps rendu à sa présence à la fois unique et multiple, régi par une pulsion créatrice d'où ont surgi les réalités vivantes, variées, contradictoires, ou contrastées, de son appartenance au genre humain universel.
J'ai axé mon analyse sur les cinq paramètres de la musique d'origine de Ravel, à savoir : le temps, le rythme, la mélodie, la modulation et la ritournelle (enveloppant cette musique simple mais très abstraite), et, selon une étude musicale dansée, j'ai donné à un danseur le temps, à un autre le rythme, au troisième la mélodie, au quatrième la modulation, enfin au dernier la ritournelle.
La ritournelle faisant partie de la grande base des musiques africaines, j'ai voulu puiser dans ces musiques traditionnelles de chez moi - précisément à Korhogo,- et établir un lien étroit avec celles des « bushinengue » (**) de St Laurent du Maroni en Guyane.
L'intention étant de bercer et dans le même temps réveiller - selon l'expression d'Isadora Duncan : « La danse à même la peau. »
Ainsi, l'élan vital de Notre Boléro est cette «force créant de façon imprévisible des formes toujours plus complexes », polymorphiques.
(*) Le mot « Boloye » (ou « Bologue ») ressemble presque phonétiquement à « Boléro ». (**) De l'anglais : Bush Negroes, littéralement « nègres de brousse » en français.
"Bercé depuis toujours par les rythmes et les chants de ma région natale en Côte d’Ivoire, jeune adolescent de 14 ans, j’ai quitté le nid familial et rencontré les danses urbaines et traditionnelles. J’ai passé alors un CAP de carrossier en alternance, ce qui m’a permis de pouvoir subvenir aux besoins de premières nécessités.
C’est à l’âge de 22 ans que j’ai décidé de me consacrer exclusivement à ma passion. Je deviens alors danseur-interprète, puis chorégraphe. Si mon premier rêve d’enfance – devenir médecin – a été contrecarré, je reste nourri par cette même vocation dans le sens où je souhaite apporter ma contribution à la collectivité en cherchant à guérir l’autre. La danse est pour moi non seulement un formidable outil de lien social, mais aussi un art que j’ai choisi pour sa capacité à mettre de la joie dans le corps et l’âme, pour son potentiel à révéler l’indicible et à s’émanciper.
De 2004 à 2011, je suis devenu danseur-interprète confirmé auprès des compagnies suivantes : Cie Klozai, Cie Djiguiya, Cie Georges Momboye, Kamel Ouali pour le Panaf 2009 à Alger. Au cours de ces mêmes années, déjà soucieux et attentif à la transmission des savoirs, j’ai formé près de 300 danseurs de la troupe Cebafrica de Côte d’Ivoire.
Parallèlement, j’ai mène mes recherches personnelles et créé ma compagnie Jasp en 2008, avec laquelle je me suis produit dans différents pays d’Afrique : Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso, Algérie et France. J’ai été marqué par mes rencontres avec Mathilde Monnier, Salia Sanou et Seydou Boro en 2004 lors du Festival Dialogues de corps, par la pédagogie de Pierre Doussaint et de Koffi Koko avec lequel je me suis imprègné des danses béninoises lors de mon exil au Bénin en 2011-2013. Installé en France depuis 2013, mes qualités d’interprète m’ont amené à danser pour Bernardo Montet « O’ More », Alfred Alerte (2017), Christiane Emmanuelle (2021). Lors de leur passage à Strasbourg, j’ai continué à enrichir mon expérience auprès de personnalités telles que Steven Cohen (performance), Sylvain Huc (danse contemporaine), Sherwood Chen (Bodyweather)."
Abdoulaye Trésor Konaté
En 2015, je change le nom de ma compagnie Jasp’ par « ATeKa» représentant des initiales de mes prénoms et nom. Les projets d’ATeKa Cie s’articulent autour de trois missions : la création chorégraphique, la diffusion des pièces, les actions de transmission. Mes créations développent un langage chorégraphique au croisement de la culture africaine et de la culture européenne contemporaine.
La danse est mon mode d’expression privilégié. Je puise mon inspiration tant dans les spiritualités africaines que dans la poésie du quotidien. Le battement du cœur ou le souffle d’une respiration, le martèlement sur une carrosserie refaite à neuf après un accident, enfin l’amplitude de la vie délivrée par le mouvement de la danse, sont pour moi autant de promesses d’émancipation… Un engagement que je cherche à atteindre à travers une esthétique du trouble…