50 MINUTES ENVIRON
24 ARTISTES CHORÉGRAPHIQUES
En coproduction avec ORO.
"J’ai très jeune débuté ma vie avec la danse à l’Opéra de Paris ; j’ai quitté cette institution alors que j’étais jeune adulte avec la sensation de sortir de la forêt des mouvements et des gestes pour aller vers la danse. Cela fait plus de trente ans que j’ai entrepris cette odyssée, je me suis perdu parfois, émerveillé à d’autres moments, j’ai douté souvent et j’ai appris à voir et à reconnaitre ces subtils espaces où la danse se tient. J’ai compris que la danse apparait volontiers à la seule condition que le danseur, lui, se retire, comme s’il n’y avait pas assez de place sur la scène pour la danse et le danseur en même temps. Ce paradoxe est, pour un interprète, sans aucun doute la chose la plus difficile à réaliser.
Venir rencontrer les danseuses et danseurs du CCN Ballet de Lorraine pour inventer avec eux une pièce est comme un retour dans la forêt vers la nuit de mes débuts. Me reviennent alors ces mots de Gilles Deleuze : « La forêt ne se définit pas par une forme, elle se définit par une puissance : puissance de faire pousser des arbres jusqu’au moment où elle ne peut plus. La seule question que j’ai à poser à la forêt n’est pas : quelle est ta figure et quels sont tes contours ? La seule question que j’ai à poser à la forêt c’est : quelle est ta puissance ? C’est-à-dire : jusqu’où iras-tu ? ».
Faire une danse c’est effectuer quelque chose de plus large que soi, charger nos gestes de puissances agissantes, inventer une destination, atteindre quelque chose ou quelqu’un. C’est aussi faire un saut hors de soi et risquer le vacillement, l’hésitation, la maladresse. Une fois effectuées que deviennent ces danses ? Où vont-elles ? Continuent-elles d’agir sur les choses, les êtres et les idées ?
J’ai besoin, avant que ne s’imposent tous sujets, thèmes, idées, de rencontrer les interprètes de la pièce qu’ensemble nous allons composer. Il y a bien sûr quelques intentions préalables, comme par exemple ce concept du sophiste Antiphon, l’arrythmiston : le non-formé, l’inorganisé, le libre de structure, ce qu’il y a de plus fondamental dans un être, la matière passive qui reçoit le rythme.
C’est là où j’imagine que loge la musicalité de cette pièce, dans ce creux que nous allons ensemble faire advenir pour qu’un geste s’invente. De nos échanges des danses naîtront, nous les suivrons, les accorderons les unes aux autres, elles sont la pièce."
Loïc Touzé