« En 2014, j'initie avec Louis ZIEGLER, chorégraphe et co-fondateur du Théâtre du Marché aux Grains, un projet intitulé Transmission. Nous avons 30 ans d'écart, et nos parcours, nos apprentissages de la danse sont très éloignés l'un de l'autre. À ce moment-là, nous décidons de nous intéresser à la transmission de cette pratique artistique.
Nous commençons par une série d'entretiens, d'auto-interviews, fouillant dans nos mémoires et évoquant diverses situations d'apprentissage et de transmission. Lors de l'une de ces séances de travail, Louis me parle de la chorémanie de Strasbourg en 1518, me disant : « j'ai toujours pensé qu'il fallait faire un truc avec ça, mais je n'y suis pas arrivé. Tu devrais te pencher dessus ».
Dès lors, au fil des mois et des projets, et tandis que la démarche de KiloHertZ se précise autour des liens entre histoire, mémoire, je commence à rassembler idées et matériaux autour de cet évènement pour une future pièce.
À mesure que s'approche le cinq-centenaire de cet évènement, de nombreux artistes, écrivains, chercheurs manifestent publiquement leur intérêt pour
la chorémanie. Je décide alors de débuter mon projet sur ce sujet après 2019, pour éviter l’effet « anniversaire », et pour clore le cycle Morituri, initié en 2016.
Au fil des recherches, des échanges et des rencontres, mes réflexions sur la perception de la danse dans nos sociétés, sur l'acceptation sociale de l'expression du corps, sur le fantasme et la récupération de l'Histoire, sur la dimension sociale des différentes pratiques de danse, se développent.
Le projet se précise, se concrétise ; NARR : pour entrer dans la nuit, sera donc créé en 2022, dans la continuité directe de la démarche de KiloHertZ.
En mars 2020, ce projet se heurte à l’actualité mondiale, aussi extraordinaire que dramatique. Depuis, le sujet initial - la chorémanie ou manie dansante - souvent décrite comme « contamination » ou « épidémie », résonne étrangement avec les bouleversements quotidiens apportés par le Covid-19 : la proximité, l'intimité, le contact, la spontanéité sont remplacés par des gestes barrières et des mesures sanitaires basées sur la précaution, l'isolement et la distanciation physique.
J’ai créé la compagnie KiloHertZ pour partager une conviction : plus que tout art, la danse est intrinsèquement porteuse de liens sociaux. Aujourd'hui, le sujet de cette création et son format performatif résonnent plus fort encore. Après une épidémie de mort, créer l’impulsion d’une épidémie de vie, joyeuse, folle et peut-être réparatrice. »
Durée : 1 heure
KiloHertZ ( KHZ ) est un projet d’expérimentation artistique fondé en 2009 et implanté à Strasbourg.
Le hertz, unité de mesure du nombre de répétitions d’un phénomène périodique par seconde, évoque la volonté de KiloHertZ a être dans une action de durée à travers la multiplicité de ses projets. C’est l’image d’une onde, allant successivement de l’art à la vie et de la vie à l’art.
L’association porte le travail chorégraphique de Vidal BINI qui croise le mouvement, l’image, le son, le langage, et est engagé dans l’invention et la fabrication de dispositifs inédits pour le public. Plus récemment, KiloHertZ accompagne également le travail de création chorégraphique et de transmission de Caroline ALLAIRE.
Les spectacles produits par KiloHertZ explorent l’idée d’une écriture en temps réel : les matières dansées, les atmosphères musicales, la lumière, les images sont composées, assemblées et proposées aux spectateurs en direct, à partir de lignes dramaturgiques définies pendant le processus de création, et propres au sujet évoqué. Le temps de la représentation est celui de la coexistence des champs artistiques autant que de la cohabitation du spectacle et du public.
En parallèle de cette activité de recherche et de création professionnelle, KiloHertZ mène une action d’initiation et de pratique de la danse en milieux scolaires et amateurs. Cette action est indissociable du travail de création, de la pratique et son enseignement qui sont trois faisceaux de la même corde, tressés les uns aux autres. Les notions de fabrication, d’accessibilité, de partage, d’échange et de co-existence sont primordiales, elles font cette perméabilité constante qui caractérise la démarche artistique et humaine de KiloHertZ.
Dans NARR : pour entrer dans la nuit, l’équipe professionnelle est constituée d’artistes pour la plupart partenaires de longue date de KiloHertZ. Leur maîtrise des outils chorégraphiques et leur habitude du travail collaboratif et pluridisciplinaire développés ces dernières années est la base de ce projet. Ce socle solide permet d’ouvrir de nouvelles pistes, autour du rapport au texte, au langage, à la voix parlée et chantée, explorées dans le récent solo Morituri (créer est un combat). Enfin, ce projet est l’occasion pour KiloHertZ d’assembler dans un même objet pratiques chorégraphiques et spectaculaires, transmission et spécificité du rapport au public.