(c) Greg Ponthus

Compagnie Simon Feltz

Grains

Dans Écho, je transposais les phénomènes de synchronisation entre gestes et parole lors de l’échange conversationnel en outils de composition chorégraphique. De ces forces interagissantes, je tenais à extraire l’essence sensible. 

Poursuivant l'exploration des rapports entre langu e et corps, je focalise aujourd’hui mon travail sur la progression de l'interaction langagière et corporelle dans un intervalle de temps spécifique : celui de la rencontre amoureuse.

Les interactions amoureuses sont un terrain riche où s’articulent divers modes de communication, à la fois verbaux et non-verbaux. Ils se délitent dans l’abdication totale des corps, induite part la force des sensations que procure l’orgasme. 

Il est remarquable que des prémices de la relation à l’assouvissement du plaisir, différents modes de communication se succèdent : si certaines rencontres peuvent se faire sans un mot, la communication linguistique semble représenter l’étape indispensable et préalable à la rencontre des corps. A mesure que les contacts physiques s’enrichissent, une transformation de la communication linguistique s’opère : les échanges verbaux entre les partenaires se dérègulent en une sorte de jeu où prévaut l’implicite. Dans leur ouvrage Les jeux contradictoires de la parole et du corps, F. Perea et J. Morenon indiquent : « Nul doute que le message implicite serait entendu comme obscène quand bien même il rend compte de la scène qui se joue dans la réalité. » et que « des censures inhibitrices sont appelées à s’imposer à mesure que se réduit la distance corporelle ». L’usage de la parole semble donc s’amenuiser à mesure que se rapprochent les partenaires. Cependant, la communication linguistique ne s’évanouit pas nécessairement dans l’entremêlement des corps : lorsque la parole y persiste, elle devient spécifique aux actions immédiates qui s’y déroulent, ou peut encore prendre la forme d’unités verbales désémantisées. 

A la transformation progressive de la communication linguistique viennent succéder les actes pulsionnels qui appellent et signifient le plaisir, plongeant alors l’échange dans une communication sensorielle et voluptueuse constituée de phénomènes vocaux divers comme les souffles ou les râles. C’est cette perméabilité d’un mode de communication à l’autre qui m’intéresse ici : dans un premier temps les trames chorégraphique et vocale des interprètes se joueront des procédés dont regorge le discours amoureux tels que la métonymie, la polysémie, l’inversion ou encore l’allusion. Autant de procédés qui, dans la réalité, permettent aux partenaires d’harmoniser leurs imaginaires, fluidifiant ainsi le rapprochement physique. Puis, dans la fusion des corps, les partitions vocales des interprètes se transformeront peu à peu. Au gré des froissements de peaux se déliteront leurs phrases : elles ne seront plus que souffles et longues harmoniques des corps qui s'oublient. 

Pour reprendre Roland Barthes, je veux que cette pièce rende compte « des incidents pulsionnels, du langage tapissé de peau d’une danse où l’on puisse entendre le grain du gosier, la patine des consonnes, la volupté des voyelles, toute une stéréophonie de la chair profonde : l’articulation du corps, de la langue, non celle du sens, du langage. » et je veux que cette danse « puisse déporter le signifié très loin et à jeter, pour ainsi dire, le corps anonyme de l’interprète dans l’oreille du spectateur. » 

Les danseur.ses égraineront leurs partitions vocales et les laisseront faner pour s’abandonner au contact de l’autre. Leurs corps seront une vague : celle des mots se brisant sur l’écueil de la jouissance. 


Chorégraphie de Simon Feltz en collaboration avec les interprètes : Esteban Appesseche, Pauline Colemard, Adrien Martins, Camille Revol, Anthony Roques et Chloé Zamboni
Accompagnement à la dramaturgie : Elise Simonet
Création musicale : Arthur Vonfelt
Accompagnement vocal : Dalila Khatir
Création lumière : Thibaut Fack
Ingénieur.e.s son : Romain Muller en alternance avec Eve-Anne Joalland
Costumes : Marion Moinet
Production : Elissa Kollyris
Administration : Rébiha Djafar


RÉSEAU L'ESTDANSE : ACB, Scène Nationale de Bar-le-Duc • L’Arsenal, Cité Musicale de Metz • CCN Ballet de l’Opéra National du Rhin • Le Carreau, Scène Nationale de Forbach et de l’Est Mosellan • CCAM, Scène Nationale de Vandœuvre-lès-Nancy • Espace 110, Centre Culturel de Illzach • La Filature, Scène Nationale de Mulhouse • La Madeleine, Scène Conventionnée de Troyes • Le Manège, Scène Nationale de Reims • Le Nouveau Relax, Scène Conventionnée d’intérêt national de Chaumont  • Pôle-Sud - CDCN de Strasbourg •  Salle Europe de Colmar • Service Culturel Spectacle Vivant de Saint-Dié-des-Vosges
Avec le soutien du CCN Ballet de Lorraine, du Centre Chorégraphique National d'Orléans, du Centre Chorégraphique National de Rillieux-la-Pape, du Centre Chorégraphique National de Tours et de Pôle-Sud CDCN dans le cadre du dispositif Accueil-Studio.
Avec le soutien de la DRAC Grand-Est, de la Région Grand-Est dans le cadre de l'aide au projet, de la Ville de Nancy et du Mécénat de la Caisse des Dépôts et Consignations
Accueils en résidence : CND - Pantin • Le Centquatre Paris • La Fabrique de la Danse



SIMON FELTZ

Simon Feltz étudie la danse au Conservatoire National de danse de Strasbourg, puis au Jeune Ballet de l'Ecole Supérieure de Danse de Cannes Rosella Hightower. À la suite de sa participation au Monaco Dance Forum, Simon est engagé dans la compagnie américaine Alonzo King Lines Ballet. En 2011, il rejoint le Ballet de l'Opéra National de Lyon dans lequel il reste pendant cinq ans. Depuis  2016, Simon a joué dans des créations de Roméo Castellucci, Rachid Ouramdane, Les Mille Plateaux Associés, Peter Jacobsson et Tom Caley, Thomas Hauert, Miguel Guiterrez et enfin Maud le Pladec, avec qui il continue à collaborer en tant qu'assistant chorégraphique. 

En parallèle, il initie ses propres projets chorégraphiques. Sa prochaine création, GRAINS, verra le jour les 21 et 22 mars 2024 à la Filature, Scène Nationale de Mulhouse.