A l'Opéra national de Lorraine (Nancy)
26 danseurs
Durée : 1 heure
Photos © Laurent Philippe & Emilie Salquèbre
En 1954, Yves Klein esquisse un ballet intitulé La Guerre (de la ligne et de la couleur), destiné à mettre en scène ses réflexions physiques et performatives sur l’immatérialité de son art. C’est à partir de ce passionnant – mais incomplet – scénario que Petter Jacobsson et Thomas Caley ont imaginé cette nouvelle création, à l’initiative du Centre Pompidou-Metz. Ils nous proposent ainsi de partager l’expérience du travail d’Yves Klein, qu’ils voient comme une tentative utopique d’interagir avec le divin, comme une expression de l’irrépressible envie humaine d’aller caresser les cieux.
Ils ont convié l’artiste plasticien Tomás Saraceno – réputé pour son goût pour l’interdisciplinarité artistique – à en imaginer la scénographie : un grand kaléidoscope d’ombres et de lumières, où les corps bougent et se débattent, comme dans une longue suspension avant la chute.
Attention : Certains passages de la pièce présentent une forte lumière clignotante
Librement inspiré de La Guerre (de la ligne et de la couleur) d’Yves Klein
Production du CCN - Ballet de Lorraine en collaboration avec le Centre Pompidou-Metz dans le cadre du projet Artiste Associé.
Né à Stockholm, Petter Jacobsson commence la danse dès l’âge de trois ans et poursuit ses études à l’École du Ballet Royal de Suède, The School of American Ballet avec Stanley Williams. Il est ensuite diplômé de l’Académie Vaganova à St. Petersburg en 1982.
Danseur Etoile au Sadler’s Wells Royal Ballet à Londres de 1984 à 1993, il voyage à travers le monde aussi bien en dansant les grands rôles classiques, qu’en se produisant en tant qu’artiste invité avec de nombreuses compagnies internationales.
En 1993, il s’installe à New York où il commence une carrière de danseur indépendant en travaillant avec Twyla Tharp, Merce Cunningham au sein de son Repertory Group, Irene Hultman et Deborah Hay.
Le chorégraphe/danseur Thomas Caley est né aux Etats-Unis. En 1992 il reçoit une licence en Beaux arts au Purchase College de New York.
Entre 1994 et 2000, il travaille en tant que premier danseur avec la Merce Cunningham Dance Company. En 2000, il s’installe à Stockholm afin de poursuivre sa collaboration avec Petter Jacobsson et débute une carrière de danseur freelance en Europe. Il a ainsi travaillé en France avec Boris Charmatz pour le projet flip book.
Depuis 2011, Thomas Caley est coordinateur de recherche au CCN — Ballet de Lorraine.
Au milieu des années 90, Petter et Thomas commencent à travailler comme équipe créative, en chorégraphiant des pièces pour Martha@Mother, le Joyce Soho à New York et l’opéra Staden à l’Opéra Royal de Suède - Stockholm, dans le cadre de Stockholm, capitale européenne de la Culture, en 1998.
En 1999, lorsque Petter est nommé directeur artistique du Ballet Royal de Suède à Stockholm, ils s’installent en Europe pour poursuivre leur collaboration artistique. Une réalisation exceptionnelle de leur travail pour le Ballet Royal de Suède consiste alors à créer deux immenses happenings, Dans Les Coins et recoins 2000 et 2001. Le projet intègre le Ballet Royal, l’Opéra et l’Orchestre, ainsi que des artistes indépendants dans des espaces inhabituels de cette institution, utilisés exceptionnellement comme lieux de spectacles. Petter est désigné chorégraphe de l’année 2002 par la Société des chorégraphes suédois pour son travail de modernisation de la compagnie.
Après des années de collaboration, Petter et Thomas montent leur compagnie de danse indépendante en 2005 – leur travail inclut Nightlife, Unknown partner, Flux, No mans land – no lands man, The nearest nearness, en 2002, ils reçoivent un « Goldmask » de la meilleure chorégraphie pour la comédie musicale Chess avec Björn Ulveus et Benny Andersson (ABBA).
En 2011, Petter prend la direction du CCN – Ballet de Lorraine à Nancy, avec Thomas ils chorégraphient ensemble pour la compagnie : Untitled Partner #3, Performing Performing, Relâche, Armide, Discofoot, L’Envers, Record of Ancient Things, Happening Birthday, For Four Walls, Air-Condition. Leur projet pour le CCN convie une grande variété de talents artistiques venus du monde entier. Chaque créateur invité participe au questionnement actif d’un thème spécifique. La saison de La 12/13, Tête-à-Tête-à-Têtes 13/14, Live ! 14/15, Folk + Danse = (R)évolution 15/16, Des plaisirs inconnus 16/17, 50 ans ! 17-18, Fifty Plus ! 18/19, Inutile Beauté 19/20, Fiction Addiction 20/21 et Ready ! (made) 21/22. Pour assurer une forme d’art vivant et non fixe, ils continuent leurs recherches à travers des installations comme pour le Musée d’Art Moderne à Paris, le Centre Pompidou à Metz, ou l’initiative originale que sont les LAB-BLA-BAL, consistant en une série d’expérimentations open house art, d’ateliers et de discussions donnés au centre chorégraphique. En 2021, il a été nommé Officier des Arts et des Lettres.
Tomás Saraceno est né à Tucumán en Argentine (en 1973). Après un master en architecture à l’École supérieure des beaux-arts de Buenos Aires, Tomás Saraceno poursuit ses études en Europe, en étudiant les beaux-arts à la Städelschule de Francfort puis en suivant un master d’art et d’architecture de l’IUAV de Venise. Depuis 2013, l’artiste vit et travaille à Berlin. En 2009, son travail est exposé dans le cadre de la 53e Biennale de Venise.
Il est résident au Centre national d’études spatiales (2014–2015), au Centre d’art, science et technologie du MIT (depuis 2012) et à l’atelier Calder (2010), parmi d’autres. Ses œuvres font partie des collections du MoMA (New York), du SFMOMA (San Francisco), du Walker Art Center (Minneapolis), de la Nationalgalerie et du Staatliche Museen zu Berlin (Berlin).
Le travail de Tomás Saraceno mêle les arts, les sciences naturelles et les sciences humaines. Ses sculptures aériennes, projets humanitaires et installations immersives proposent une connexion sensible avec notre planète à travers une pratique autant sociale et intellectuelle qu’environnementale de l’écologie. Depuis plus d’une décennie, il imagine un monde libéré de toute forme d’émissions de carbone, d’énergies fossiles, d’exploitation industrielle des ressources naturelles, du capitalisme et du patriarcat, qui précipitent selon lui l’extinction de nombreuses formes de vie. Il recherche une nouvelle idée de la solidarité en faisant converger les énergies de ses différentes sources d’inspiration : les airs, les toiles d’araignées, les communautés indigènes ou encore la cosmologie (“les toiles cosmiques”). Dans cette période d’urgence climatique, où notre écosystème est en danger, le travail de Tomás Saraceno nous aide à approfondir notre compréhension de la justice environnementale et de la cohabitation entre les espèces (idées qu’il développe par exemple dans ses projets Aerocene et Arachnophilia).
La démarche de Tomás Saraceno culmine avec la création de la fondation Aerocene en 2015, une organisation à but non-lucratif ayant comme objectif la construction d’une communauté dédiée à la recherche scientifique, à l’expérience artistique et à l’éducation environnementale. La communauté Aerocene est active dans 126 pays, avec des membres sur les six continents actifs sur le terrain comme dans le domaine scientifique et politique. Aerocene cherche activement à développer une nouvelle culture, un imaginaire commun vers une cohabitation plus responsable avec l’environnement et l’atmosphère.
Yves Klein, né en 1928 à Nice, avait pour première vocation d’être judoka. En 1954, il se tourne définitivement vers l’art et entame son « Aventure monochrome ». Animé par l’idée consistant à « libérer la couleur de la prison de la ligne », Yves Klein se tourne vers la monochromie car c’est pour lui la seule manière de peindre permettant de « voir ce que l’absolu avait de visible ».
Privilégiant l’expression de la sensibilité plus que la figuration dans la forme, Yves Klein va au-delà de toute représentation artistique et conçoit l’oeuvre d’art comme la trace de la communication de l’artiste avec le monde. C’est la réalité invisible qui devient visible. Ses œuvres sont « les cendres de son art ». L’œuvre d’Yves Klein révèle une conception nouvelle de la fonction de l’artiste. Selon lui, la beauté existe déjà, à l’état invisible. Sa tâche consiste à la saisir partout où elle est, dans l’air et dans la matière. Yves Klein a fait de sa vie tout entière une œuvre d’art : « L’art est partout où l’artiste arrive. »
Dans sa quête d’immatérialité et d’infini, Yves Klein adopte le bleu outremer comme véhicule. De ce bleu plus que bleu, qu’il nommera « IKB » (International Klein Blue), irradie une vibration colorée qui n’engage pas seulement le regard du spectateur : c’est l’esprit qui voit avec les yeux. De ses monochromes, au vide, à la « technique des pinceaux vivants » ou « Anthropométrie », jusqu’à l’emploi des éléments de la nature afin de manifester leur force créatrice ou de l’or qu’il utilise comme un passage vers l’absolu, il a conçu une oeuvre qui traverse les frontières de l’art conceptuel, corporel et du happening. Juste avant de mourir, Yves Klein confie à un ami : « Je vais entrer dans le plus grand atelier du monde. Et je n’y ferai que des oeuvres immatérielles. »
Entre mai 1954 et le 6 juin 1962, date de sa mort, Yves Klein aura brûlé sa vie pour réaliser une oeuvre flamboyante qui a marqué son époque et qui rayonne encore aujourd’hui.